J’ai décidé de commencer à apprendre l’arabe – ce qui a beaucoup fait rire ma mère. Pas parce qu’elle a quelque chose contre cette langue, non : elle aurait réagi de la même manière si je lui avais annoncé vouloir maîtriser le chinois, le russe ou le cingalais. Mais parce que je n’ai jamais été vraiment douée pour les langues. Et pourtant ! Me voici, après mes premiers cours d’arabe, avec la folle envie de vous raconter tout ça !
L’arabe du futur
Que j’aimerais être lycéenne aujourd’hui ! De mon temps (voilà que j’écris comme une vieille dame pleine de sagesse), les seules langues qu’on vous proposait d’étudier étaient l’anglais, l’espagnol et l’allemand. Depuis, l’ouverture au monde et le partage culturel ont permis à d’autres idiomes de trouver leur place dans nos cursus scolaires : italien, portugais, chinois… et arabe.
On dit souvent que les traductions font perdre beaucoup des subtilités et des richesses d’une langue. C’est très vrai pour l’arabe. Parce que c’est un idiome plein de secrets, de charme et de merveilles. Sa prononciation, sa polysémie, son lexique, sa syntaxe… Autant de bonnes raisons d’avoir envie de l’étudier.
Saviez-vous que l’arabe est parlé couramment par quelques 300 millions de locuteurs à travers le monde ? Que la plupart des grands textes de la Grèce antique (de Platon à Euripide) ont été sauvegardés de la destruction à travers des traductions arabes ? Et qu’1% seulement des textes scientifiques arabes sont disponibles dans d’autres langues ?
Si vous n’êtes pas convaincus, voici encore une liste de 10 bonnes raisons de prendre des cours d’arabe !
Les cours d’arabe : un vrai baroud !
Mais c’est, aussi et surtout, une langue difficile. Très difficile. Même ceux qui ont un don pour les langues témoignent de leurs difficultés. Elle nécessite en effet de changer ses habitudes de fonctionnement (lecture de droite à gauche) et elle possède peu de voyelles, ainsi que des lettres gutturales, ce qui la rend complexe à prononcer pour les Anglais et les Français.
Il n’est pas rare qu’en termes de complexité, l’arabe soit classé dans la même catégorie que le chinois, le japonais ou le coréen. D’où le recours indispensable à un enseignement sérieux plutôt qu’à des méthodes individuelles. Je n’aurais jamais survécu à mes premières heures d’arabe sans l’aide de l’Institut Anwar, qui m’a avant tout appris à… ne pas paniquer devant l’obstacle !
J’ai aussi assimilé dès le départ les astuces qui permettent de bien démarrer en arabe :
- Apprendre par cœur les 27 lettres qui en composent l’alphabet, avec la bonne prononciation pour chacune d’elles ;
- Savoir que c’est une langue formée d’un mélange de lexique et de syntaxe, plutôt que d’une suite de mots ;
- Essayer de penser en arabe, et pas dans sa langue maternelle ;
- Comprendre qu’il y a deux arabes : le dialectal, celui qui est parlé tous les jours, et l’académique, celui qui vient directement du Coran ; et commencer par apprendre le second, pour ensuite développer le premier à l’oral ;
- Écouter beaucoup la prononciation (avec des supports audio), car c’est une part essentielle de l’apprentissage ;
- Apprendre chaque jour au moins un mot qu’on se répète toute la journée afin de bien le mémoriser ;
- Et parler un maximum dès qu’on maîtrise quelques bases.
Les langues se délient
Voici les difficultés auxquelles sont confrontés tous les candidats à des cours d’arabe :
Les modalités d’écriture et de lecture sont très différentes des langues européennes. En arabe, la forme d’une lettre peut varier en fonction de sa place dans le mot. En outre, le fait d’écrire et de lire de droite à gauche est aussi perturbant que de devoir prendre le volant pour la première fois dans un pays anglophone.
À l’oral, le problème de la prononciation se fait rudement sentir. Les bruits sont articulés depuis le fond de la gorge (d’où l’adjectif « guttural »), ce qui donne un peu cette impression de cracher les mots. C’est aussi une langue vivante et expressive qui, à l’instar du japonais, joue beaucoup sur l’intonation et les expressions du visage pour transmettre des émotions.
À l’inverse, l’arabe littéraire, lorsqu’il est parlé, semble monotone. Un bon exercice consiste à regarder la chaîne al-Jazeera en arabe : les présentateurs prennent un ton monocorde et gomment toute expressivité sur leurs visages. Leurs phrases ont des ponctuations tellement peu marquées qu’on a l’impression d’assister à une lecture de Proust.
L’autre difficulté, comme pour la plupart des langues parlées dans de nombreux pays, c’est que l’arabe parlé au Maroc est différent de celui utilisé en Tunisie ou en Irak. Les mots et les prononciations changent. L’arabe le mieux compris et parlé dans le monde est celui d’Égypte, dont l’influence a été fondamentale dans le reste du monde arabophone.
Ce que j’ai appris avec mes premiers cours d’arabe
J’ai rapidement maîtrisé les mots de base, comme « choukran » (merci) ou « Inch’allah » (si Dieu le veut), utilisés à toutes les sauces. Mais nous avons également travaillé un peu sur la civilisation et l’étymologie, deux angles indispensables à l’apprentissage d’une langue, et je me suis rendue compte à cette occasion que de nombreux mots français courants dérivent de l’arabe. Par exemple :
- Bougie vient du nom d’une ville d’Algérie, aujourd’hui appelée Béjaïa, qui au Moyen Âge était un haut lieu du commerce de la cire et de la bougie.
- Jupe vient de « jubba », littéralement « veste de dessous », qui a donné « giubba » en italien, puis « jupe » en français. Le mot a remplacé « cotillon ».
- Massage vient de l’arabe « masaa » qui veut dire « frotter, palper ».
- Raquette vient de « rahat », « paume de la main ».
- Maroquinerie : vous avez souvent pensé que ce terme doit avoir une étymologie commune avec Maroc ? Vous n’êtes pas si loin. Il vient de l’espagnol « marroqui » qui découle lui-même de l’arabe « marrakusi », nom ancien du cuir produit dans la ville de … Marrakech.
Voici toute une liste de mots qui proviennent de l’arabe maghrébin et de l’arabe espagnol.
Ce que j’ai appris en discutant avec mes camarades
Parce qu’apprendre une langue, ce n’est pas seulement assister aux cours, j’ai également glané des informations auprès de mes camarades de classe. Et j’ai pris conscience du nombre de mots d’argot français qui sont, en réalité, des termes arabes ! Voyez plutôt :
- Baraka : chance
- Baroud : bagarre, combat
- Bled : petit village, lieu à l’écart du monde
- Caïd : chef
- Fissa : vite
- Flouze : argent
- Gourbi : taudis
- Kif-kif : pareil
- Lascar : gaillard
- Maboul : fou
- Toubib : docteur
Alors, chères lectrices et chers lecteurs, ne soyez pas mabouls ! Sortez de votre bled et allez fissa prendre des cours d’arabe, mais sans pousser votre baraka : choisissez un institut comme le mien qui ne vous prendra pas trop de flouze. Et quand c’est fait, écrivez-moi une carte postale dans la langue du Coran !